Personne nâaime les petits chefs. Pourtant il est trĂšs facile dâen devenir un. Câest ce que montrent aujourdâhui les neurosciences. Pour sâen rendre compte, zoom sur lâun des plus cĂ©lĂšbres petits chefs : le hĂ©ros de la sĂ©rie Breaking Bad, Walter White.
Un destin ratĂ© đ€Š
Walter White est un chimiste qui a frÎlé le prix Nobel.
Sa carriĂšre aurait dĂ» ĂȘtre glorieuse et le monde entier aurait dĂ» reconnaĂźtre son gĂ©nie.
Mais non. Ă 50 ans, il nâest plus quâun professeur de chimie lambda, humiliĂ© par ses Ă©lĂšves et lave des voitures les soirs et les weekends pour joindre les deux bouts.

Coup de grĂące đ«
Comme sâil nâĂ©tait pas assez victime de la vie, il dĂ©couvre quâun cancer des poumons ne lui laisse plus que deux ans Ă vivre.
Lâangoisse sâinstalle : avec quel argent son fils handicapĂ© et son nouveau-nĂ© pourront-ils payer leurs Ă©tudes, la nourriture, le logement ?
Face Ă lâimpasse, il recherche dĂ©sespĂ©rĂ©ment comment gagner beaucoup dâargent et vite.

Breaking bad âïž
Câest Ă lâoccasion dâun repas de famille que le dĂ©clic lui vient : fabriquer et vendre sa propre drogue.
Tout son gĂ©nie de chimiste se concentre alors Ă produire les cristaux de drogue les plus purs du marchĂ©. Et il cartonne.Â
Mais la rançon de son succĂšs est quâil prend Ă©galement le melon. Il finit par cumuler toutes les caractĂ©ristiques dĂ©testables dâun petit chef :
- arrogant
- mégalomane
- calculateur

Lâavis des neurosciences đ§
Pour savoir comment Walter White a attrapé le syndrome du petit chef, il faut regarder comment communiquent nos trois cerveaux : rationnel, émotionnel et mimétique.
Les cerveaux rationnels et émotionnels sont les plus connus grùce aux travaux du neuroscientifique Antonio Damasio.
Mais dâaprĂšs le neuropsychiatre Jean-Michel Oughourlian, le cerveau mimĂ©tique joue un rĂŽle encore plus important chez les petits chefs. DĂ©cryptage de la rĂ©action en chaĂźne :
Ătape 1 : Le cerveau rationnel booste lâarrogance đ€
Pour un petit chef, tout commence par le cerveau rationnel qui se compare aux autres.
Par exemple, Walter White voit bien quâil a plus de neurones que tous les trafiquants de drogue rĂ©unis.
Tout son bagage scientifique donne dÚs le début raison à son sentiment de supériorité.
Ăa marche aussi dans le monde du travail oĂč les raisons pour auto proclamer sa supĂ©rioritĂ© sont multiples :
- les diplÎmes des écoles prestigieuses
- lâintitulĂ© de poste avec la mention âdirecteurâ
- la proximité avec le big boss
- les bureaux bien placés, les invitations aux évÚnements VIP etc.
Ătape 2 : Le cerveau affectif rĂ©compense le petit chef â€ïž
Du fait de ce piĂ©destal rationnel, le petit chef sâautorise Ă ĂȘtre plus ambitieux.
Et plus il a de nouveaux rĂ©sultats, plus son cerveau affectif s’enthousiasme et donne envie dâaller plus loin dans cet Ă©tat de supĂ©rioritĂ©.
Câest le cercle vertueux dans lequel entre Walter White. Plus sa drogue se vend, plus il est heureux, plus il veut en produire davantage.
Au boulot, câest pareil, le petit chef en herbe se gargarise des victoires de son Ă©quipe, comme si elles Ă©taient siennes.Â
Il accentue donc ses pratiques de petit chef pour tirer toujours plus de rĂ©sultats. Au dĂ©pend – bien souvent – du moral de son Ă©quipe.
Ătape 3 : Le cerveau mimĂ©tique divinise le petit chef đ
En temps normal, notre cerveau mimĂ©tique cherche des modĂšles pour sâinspirer.
Mais ici, le petit chef est dĂ©jĂ dans un tel Ă©tat de supĂ©rioritĂ©, quâil nâa plus dâautre raison que de dâimiter sa propre personne.
Et il tombe amoureux dâune image mythique de lui-mĂȘme.
Dans Breaking Bad, câest ce moment oĂč Walter White emprunte le nom de Heisenberg. Le Nobel de chimie quâil a toujours voulu ĂȘtre.

Quand on en arrive là au boulot, on tombe sur un petit chef en puissance :
- Celui pour qui seules ses idées comptent
- Qui écrase et menace toute personne qui ne le suivrait pas
- Et qui est tellement imbu de lui-mĂȘme quâil fascine et magnĂ©tise les foules
Le vrai danger des petits chefs đș
Le point commun des petits chefs en puissance, câest quâils rĂ©alisent des âexploitsâ :
- au boulot, câest celui qui va se faufiler aux sommets de lâorganigramme
- chez les entrepreneurs, câest le dirigeant qui va dominer son marchĂ©
- chez les influenceurs, câest celui qui va avoir le plus dâabonnĂ©s
- en politique, câest celui qui va tenir tĂȘte au plus grand nombre de manifestants, avec le sourire.
Les petits chefs semblent nâavoir peur de rien et nous, public, nous adorons ça.
Ils deviennent alors des modĂšles de rĂ©ussite sociale, de parler-vrai, de richesse et de mĂ©rite. Ce sont des âbadassâ que lâon aime, comme Walter White.
Malheureusement, la âculture petit chefâ se propage alors au sein de nos sociĂ©tĂ©s et ils finissent finissent par pulluler partout oĂč il y a âdes places Ă prendreâ.
La fin dâun mythe đÂ
La rĂ©alitĂ©, câest que les petits chefs sont les pires modĂšles Ă suivre.
Quand on soulĂšve le capot, on voit apparaĂźtre des cultures dâentreprise toxiques, des Ă©quipes dĂ©semparĂ©es et des entreprises qui croulent sous les dysfonctionnements.
Ces histoires sont lĂ©gions. On les trouve chez WeWork, Theranos, âbalance ta startupâ etc.
On dĂ©couvre aussi chez ces petits chefs des vies privĂ©es dĂ©sastreuses, fiĂšrement sacrifiĂ©es en lâhonneur de leur propre divinitĂ©, et finalement, on voit apparaĂźtre des hommes et femmes misĂ©rables. Comme Walter White.
Les symptĂŽmes Ă surveiller đ§
Comme tout le monde a des neurones, tout le monde est sujet à ce syndrome.
En tant que leaders, on peut lâĂ©viter en observant le comportement de nos trois cerveaux.Â
Le petit chef en nous grandit dÚs que :
- Notre cerveau rationnel commence à beaucoup calculer pour justifier son poste, ses privilÚges, sa rémunération etc. Il se met en posture de défense, de peur de perdre ses acquis.
- Notre cerveau Ă©motionnel commence Ă se gargariser de son importance artificielle. Mais en mĂȘme temps quâil gonfle, il culpabilise, car il voit quâil laisse les autres sur le bas cĂŽtĂ©.
- Notre cerveau mimĂ©tique ne regarde plus les autres. Il se dit que ce ne sont que des N-1, des stagiaires, des alternants, reprĂ©sentants dâun bas peuple qui ne mĂ©rite plus notre admiration. Alors il sâisole dans la caste des leaders incompris, victimes des jalousies des autres, et en mĂȘme temps fiers de lâĂȘtre.
Culture introspective đ
Sans un minimum dâintrospection pour voir ces mĂ©canismes neuronaux Ă l’Ćuvre chez soi, un leader rapidement peut tomber dans le syndrome du petit chef.Â
Ed Catmull, le CEO du studio Pixar remarquait dâailleurs que la plupart des leaders quâil voyait Ă©chouer dans la Silicon Valley, avaient en commun ce manque dâintrospection.
Dans votre entreprise, ça veut dire quâil vous faut donc multiplier ces moments oĂč vous pouvez gagner une meilleure conscience de vous-mĂȘme et de votre Ă©quipe.
Pour vous donner une idée, nos clients qui utilisent Boussole mettent en place des rituels pour :
- avoir des conversations réguliÚres sur les besoins et les attentes de chacun
- parler des forces individuelles et collectivesÂ
- expliciter les rĂšgles et les frontiĂšres individuelles Ă respecter
- créer des playbooks sur les modes de fonctionnement de leur équipe
Racontez-moi, quels sont les rituels introspectifs que vous avez déjà testés ?
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