Quand on arrive aux sommets du pouvoir, il est difficile d’y rester. Comme disait Coluche “il y a du vent là-haut” car beaucoup de personnes veulent aussi y être. Quel est donc le secret pour gravir ces sommets et ne pas perdre sa place ?
L’école des tyrans 👺
Ce sont ceux qui prennent le pouvoir par la force et ne s’en cachent pas. Agathocle de Syracuse en est un exemple.
Durant l’antiquité, ce militaire gravit les échelons avec brio et gagna la confiance des sénateurs. Mais un jour, il les convoqua pour une réunion politique où il les fit tous assassiner et prit le pouvoir.
Une scène digne de Game of Thrones et du massacre des Stark.

Comme le souligne Nicolas Machiavel dans Le Prince, le problème des tyrans “vraiment tyrans” est qu’ils ne peuvent pas s’arrêter d’être… des tyrans. Au bout d’un moment ils finissent donc par être éjectés.
De nos jours, au boulot il n’y a pas de meurtriers tyranniques.
On savonne plutôt la planche d’un autre, on trahit, on s’approprie les résultats des autres, on fait passer de force son préféré, on menace pour gagner le silence et la soumission.
Mais une fois que l’on est devenu manager, dirigeant ou président, il est improductif d’abuser de ces pratiques si l’on souhaite rester au pouvoir.
Conclusion : le tyran peut vite gagner le pouvoir, mais il ne dure pas longtemps.
L’école des bienveillants 😇
Ce sont des pacifistes idéalistes comme Martin Luther King ou Gandhi.
Eux, ils arrivent au pouvoir par une autre voie. Celles d’un idéal de paix qui résonne dans le cœur des gens et qui leur donne envie de les suivre.
D’après Machiavel, le problème des bienveillants est qu’ils ne durent pas non plus. Pour lui, Jésus de Nazareth en est la parfaite illustration.
Il est l’homme le plus gentil, le plus sage et le plus dévoué dont l’histoire se souvienne, et en même temps, il est celui qui a subi les pires humiliations et le plus retentissant assassinat public.
Pour Machiavel, la bienveillance n’est donc pas une bonne stratégie.
Au boulot, les bienveillants sont ceux qui mettent le bien commun avant leurs propres intérêts. Ils inspirent, mais ils sont vulnérables.
Ils sont étiquetés “bisounours” et sont vite mis au placard dès que leur vision compromet des intérêts financiers ou privés supérieurs.
Emmanuel Faber, l’ancien patron de Danone, en est un exemple.
L’école des méchants gentils 😼
Dans cette école, il vaut mieux être craint qu’être qu’aimé.
Ce sont ceux qui montrent une façade humaniste, généreuse, soucieuse des autres, mais qui rappellent de temps en temps par la force qu’ils sont les boss.
Machiavel cite César Borgia comme modèle.
Ce prince italien de la Renaissance n’a pas hésité à couper en deux un opposant sur la place publique pour montrer qu’il était le chef.
Mais Borgia était aussi “gentil”. Pour faire oublier ce fâcheux événement, il fit ensuite bâtir des théâtres et lança un festival pour redorer son image.
Dans le monde de l’entreprise, le méchant gentil est bienveillant au jour le jour. Il organise des afterworks, il parle de bien-être et flatte ses équipes quand il est sur scène.
Mais le moment venu, il n’hésite pas à :
- Faire sentir aux autres que les entretiens annuels approchent
- Descendre en flèche un collaborateur au milieu de tout le monde
- Lancer des e-mails estampillés “merci de” qui témoignent du subtil mélange de bienveillance et d’autorité
Il pratique ce qu’on appelle communément le “recadrage”.
Tout le management post-industriel fonctionne sur ce cocktail amer, mais efficace, de bienveillance et de violence.
Machiavel avait-il donc raison ? 🤔
Le modèle du méchant gentil est le plus performant pour gagner le pouvoir et y rester selon Machiavel.
Mais 600 ans ont coulé sous les ponts depuis ses propres observations.
Et dans le monde complexe et incertain dans lequel nous vivons désormais, le modèle du méchant gentil a totalement perdu de son efficacité.
Les chercheurs de McKinsey et de Google ont en effet passé au peigne fin le fonctionnement de milliers de managers avec leurs équipes.
Ils ont découvert que les équipes les plus performantes sont celles où les managers entretiennent un sentiment de sécurité psychologique au sein de leur équipe.
Tout l’opposé d’une ambiance schizophrénique de terreur et de douceur que l’on voit dans le management post-industriel.
Ce que n’avait pas vu Machiavel 😴
Pour comprendre l’obsolescence de la vision de Machiavel, il faut se tourner vers les travaux de l’anthropologue et académicien français, René Girard.
Selon lui, moins il y a de sécurité psychologique au sein d’un collectif, plus le collectif a tendance à faire cocotte minute et à se défouler sur des boucs émissaires.
En pratique, Girard explique que tout le monde se met inconsciemment d’accord – par mimétisme – sur une victime qui va “payer” la dette émotionnelle que le groupe a accumulé.
Dans le cas du tyran, la victime évidente est le tyran lui-même.
Dans le cas du méchant gentil, c’est ce dernier qui désigne de temps en temps une victime qui va “prendre pour tout le monde”. D’où cette alternance de gentillesse et de violence ponctuelle.
Dans le cas du bienveillant, s’il a le malheur de tomber dans un collectif où la dette émotionnelle est trop intense, comme Jésus de Nazareth à l’époque Romaine, c’est lui-même saute.
La quatrième école : la sécurité psychologique 🤲
La sécurité psychologique est donc le nouveau facteur déterminant pour gagner le pouvoir, le conserver et – en plus – être performant collectivement.
Pour ça, les managers doivent s’assurer au quotidien que :
- les non-dits ne pourrissent pas au sein de leur équipe
- les fortes têtes trouvent leur place pour ne pas plomber l’ambiance
- chacun se sente compris et utile
- chacun se sente libre de partager ses idées
Cela demande à chaque manager d’oser les conversations difficiles, de faire preuve d’écoute, de compassion et d’être au service du succès des autres.
Plus qu’un manager bienveillant, cela demande d’être un “manager sage”.
Le pouvoir n’est jamais acquis 🤷
Il reste vrai que le pouvoir n’est jamais garanti, même pour le manager sage.
Un jour peut venir où ses résultats exceptionnels attisent la jalousie d’un N+1. Si ce n’est plus son propre collectif qui l’éjecte, l’extérieur peut encore frapper.
Mais si aucun leader ne commence pas aujourd’hui à apporter sa pierre à l’édifice d’un monde où les relations humaines sont stables et saines, qui va le faire ?
J’ose croire que si demain, si nous arrivons à élever le niveau global de sécurité psychologique dans nos entreprises et dans la société, nous n’aurons plus besoin de craindre, ni de faire appel, et encore moins de justifier l’usage d’autorité violente et délétère.
Un nouveau monde du travail est possible ❤️
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