Personne ne vient au boulot avec une arme à feu. Pourtant, il y a une arme encore plus dangereuse qui circule dans les bureaux : l’Anneau de Pouvoir.
L’Anneau, c’est cet objet qui nous pousse à vouloir dominer nos concurrents, notre marché, à vouloir être chef à la place du chef, à faire travailler les gens en coupe réglée, à monitorer les heures de connexion, à s’informer en secret sur ce que pensent les autres, à manager par la peur et la menace.
Dans la mythologie de Tolkien, ceux qui ont voulu s’emparer de l’Anneau de Pouvoir ont tous trouvé un destin tragique : Isildur, Boromir, Sméagol, Saroumane.
Quant à ceux qui lui ont prêté allégeance, ils se sont soit transformés en Nazguls, soit ont disparu dans les ténèbres comme les nains.
Alors pour quelle raison sont-ils tous tombés dans le piège ? Et comment éviter de finir comme eux en manager à capuchon noir ?
Circulez, il n’y a rien à voir 🤫
La particularité de l’Anneau de Pouvoir est qu’il ne paie pas de mine. Il n’a pas de joyau comme les anneaux de pouvoir des Elfes, il est juste lisse, rond et banal. Au point que Gandalf lui-même se fait avoir. Pendant des décennies, il ignore que l’anneau de Bilbo est l’Unique.

C’est exactement l’effet voulu par son créateur, Sauron, le Seigneur des Ténèbres, pour corrompre tous les autres. La vraie influence du pouvoir doit rester cachée pour que le maléfice prenne. C’est pourquoi les fameuses runes elfiques de l’Anneau ne peuvent être révélées que par le feu.
De même, au boulot, personne ne raconte les vrais dangers du pouvoir. Au contraire, les yeux brillent d’envie ou d’admiration quand :
- un collègue finit par siéger au Codir
- une entreprise rafle le marché
- une autre met la main sur son concurrent
- un dirigeant possède X milliers de personnes sous lui
Comme si de rien n’était, le monde du travail s’est approprié un champ lexical de la domination, tout en banalisant les comportements de prédation qui vont avec.
Quand utiliser l’Anneau ? 🤨
Vous pensez peut-être : “il ne faut pas diaboliser le pouvoir, il est bien utile parfois. Le business, c’est la loi du plus fort, il faut écraser les plus faibles pour survivre”.
C’est exactement ce que se dit Boromir au Conseil d’Elrond. Lors de cette réunion, toutes les races sont réunies pour faire état de la menace de Sauron. Ils savent que des nuées d’orques vont tous les anéantir un par un s’ils ne font rien.
Ils sont en survie et pour la première fois, ils sont aussi en possession de l’Unique. Alors Boromir se dit : “pourquoi ne pas s’en servir ? Pourquoi ne pas utiliser la même force que l’Ennemi utilise contre nous ?”

Heureusement, les autres autour de la table ont la sagesse de percevoir qu’au mieux ils se transformeraient eux-mêmes en Seigneur Ténébreux, au pire, ils tomberaient sous la coupe de Sauron.
Ils renoncent à l’Anneau alors même qu’ils font face à leur propre mort. Quel courage !
Au bureau, cela veut dire que pour toutes les situations où l’on se sent menacé et en survie, l’Anneau devrait aussi rester dans le tiroir.
Par exemple :
- Quand vous êtes exaspéré parce que votre collaborateur ne fait pas ce que vous lui avez dit de faire > vous évitez de lui rentrer dedans avec des “pourquoi t’as fait ça !?”
- Quand vous sentez que vous êtes paumé dans votre vie pro > vous évitez de trouver refuge pendant 10 ans dans des postes toujours plus prestigieux et grassement payés qui n’ont aucun sens.
- Quand vous perdez le contrôle dans un projet > vous évitez d’imposer à votre équipe des réunions de reporting quotidiennes qui les empêchent de faire leur travail et ne rassurent que vous.
L’Anneau n’est pas la solution, c’est le problème 🍎
Je sais, garder l’Anneau dans le tiroir alors qu’on est en survie, c’est très inconfortable.
C’est à l’image de Frodon qui transpire à grosses gouttes pour se retenir de mettre l’anneau au doigt alors qu’un Nazgul est en train de lui renifler l’oreille.
Son esprit logique lui dit : “enfile-le, disparais et tu seras sauvé”.
Mais son cœur lui dit : “le Nazgul appelle l’Unique, il appelle le pouvoir, il t’appelle à l’utiliser et si tu le fais, tu seras trouvé et tu seras détruit”.

Se retenir d’utiliser l’Anneau c’est comme se retenir de gratter un bouton de moustique.
Si l’on finit avec une crise de démangeaison et des croûtes, ce n’est pas à cause du bouton lui-même, c’est parce qu’au départ on a commencé à le gratter.
Avec l’Anneau, pas de vision stratégique 🤕
Sauron est en passe de prendre le pouvoir sur la Terre du Milieu.
Il a des armées plus puissantes que jamais, Saroumane l’a officiellement rejoint et les concurrents sont en galère : le Roi du Rohan est lobotomisé par Grima, le Gondor n’a plus de roi et son Intendant est une loque, les Nains ont été défaits dans la Moria par le Balrog, les Elfes se carapatent etc.

Bref, on ne voit pas comment Sauron ne pourrait pas gagner.
Et pourtant, c’est précisément à cause de son pouvoir qu’il va tout perdre.
Tout se joue au Conseil d’Elrond. Ils viennent de décider de détruire l’Anneau dans la Montagne du Destin. Mais un doute plane :
et si Sauron devinait leur plan ?
Il lui suffirait d’un claquement de doigt pour mettre la main sur les deux frêles Hobbits. Honnêtement, toute personne raisonnée dirait que c’est une folie.
Sauf que Gandalf fait preuve d’un discernement incroyable et dit :
La seule mesure que Sauron connaisse est le désir, le désir du pouvoir, et c’est ainsi qu’il juge tous les cœurs. Dans le sien n’entrera jamais la pensée que quiconque puisse refuser ce pouvoir, qu’ayant l’Anneau, nous puissions chercher à le détruire. Si c’est notre but, nous déjouerons ses calculs.
Qui raisonne par le pouvoir est incapable de ce type de pensée créative et audacieuse. Gandalf pousse ici un choix stratégique majeur qui vaudra le salut de la Terre du Milieu.
Au boulot, c’est le type de risque visionnaire que sont incapables de prendre la plupart des Codirs. L’Anneau les pousse trop souvent à :
- avoir l’arrogance d’esprit qu’ils prennent les meilleures décisions
- à masquer leur incompétence quand ils se rendent compte qu’ils se sont gourés
- soit en nommant des boucs émissaires, soit en s’isolant de leurs collaborateurs et de leurs clients, soit en ne prenant plus de décisions.
Cachés dans leur tour d’Ivoire, déconnectés de la réalité, les princes du Codir font alors les pires choix pour leur entreprise.
Pour éviter que votre Codir finisse desséché comme Gollum dans sa grotte, voici donc maintenant quelques pistes alternatives au pouvoir :
Piste n°1 : Renoncez au pouvoir quand il se présente 🤚
C’est bête, mais ça commence par là. Par tant de fois la quête de l’Anneau aurait pu échouer si l’ensemble des personnages n’avaient pas renoncés à le prendre :
- Bilbon lâche l’Anneau à Cul-de-Sac
- Gandalf renonce à l’Anneau à Cul-de-Sac lorsque Frodon, effrayé par toutes les histoires, lui tend pour le lui donner.
- Galadriel y renonce dans la Lorien, alors qu’elle sait qu’elle aurait un immense pouvoir avec.
- Aragorn y renonce symboliquement à Amon Hen.
- Faramir y renonce, alors même qu’il sait que son père peut le condamner à mort pour cet acte de désobéissance.
- Sam le rend à Frodon à Cirith Ungol.

Dans votre quotidien, ça veut dire de lâcher prise. Par exemple, très souvent en tant que manager on est au four et au moulin. Comme si c’était de notre devoir d’apporter toutes les réponses, de lancer toutes les initiatives, de poser toutes les questions, de suivre tous les projets etc.
C’est épuisant. Mais ça va en s’amplifiant tant que l’on ne commence pas à lâcher des parcelles de pouvoir.
Piste n°2 : Écoutez votre destin plutôt que le pouvoir 💫
Imaginons : ça y est, vous faites confiance à vos collaborateurs, comme Gandalf, vous avez envoyé votre Frodon et votre Sam en mission de destruction de l’Anneau.
Maintenant, vous allez sans doute ressentir du vide et vous poser la question suivante : qu’est-ce que je vais faire ?
Si vous êtes Gandalf, vous allez chevaucher Gripoil pour coordonner au plus vite les dernières forces et être prêt pour la bataille de Minas Tirith.
Si vous êtes Aragorn, vous allez prendre Anduril et le chemin des morts pour assumer votre destin de Roi du Gondor et mettre en déroute les armées de Sauron au moment où tout espoir aura disparu.
Si vous êtes Sam, vous allez servir Frodon jusque dans le feu de la Montagne du Destin.
Si vous êtes Théoden, vous allez entreprendre la chevauchée la plus héroïque et la plus mortelle qui soit sur les champs du Pelennor.
Si vous êtes Éowyn, vous n’allez pas reculer devant le Roi Sorcier et son féroce ailé, mais vous allez prendre votre épée et détruire celui qu’aucun homme ne peut tuer.

Alors au boulot : qui pouvez-vous servir ? Quel super-pouvoir avez-vous enfoui toutes ces années et que vous pouvez réveiller ? Quel royaume encore caché vous est-il destiné ?
Voici le type de quête qui se présente devant nous une fois que l’on a renoncé au pouvoir.
Piste n°3 : Quel récit écrira-t-on sur vous ? ❤️
Même après tout ça vous pensez peut-être que vous n’êtes qu’un simple manager, un simple directeur ou un petit chef d’entreprise. Que vous n’avez qu’un rôle secondaire par rapport aux puissants de ce monde.
Vous vous demandez alors à quoi bon faire tous ces efforts pour être un meilleur leader ?
À quoi bon œuvrer à un monde du travail plus humaniste face à tant de destructions et malveillances autour de nous ?
Pourtant, vous et moi sommes les Frodons et les Sams de ce monde. Comme ce dernier le rappelle à la fin du film Le Deux Tours, ce sont les récits de personnes comme vous qui seront racontés par les prochaines Grandes Histoires.

Chaque fois que vous renoncez à l’Anneau, chaque fois que vous suivez votre cœur, chaque fois que vous vous questionnez sur la cause que vous servez à votre échelle, vous figurez dans ce récit.
Si BFMTV n’en parlera pas ce soir, soyez certain que la Grande Histoire en parlera demain.
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